Filandreux, inconsistants et plus que tout collants, les pléonasmes sont semblables à des chewing-gums. Une fois qu’on y a goûté, il devient quasi impossible de leur résister. Des plus banals (au jour d’aujourd’hui) aux plus goûteux (forum de discussion, taux d’alcoolémie, détruire entièrement), Le Figaro revient sur ces bizarreries du quotidien. À bannir une fois pour toutes.
● Orthographe correcte
L’union des mots «orthographe» et «correct» semble à première vue correcte. Et pourtant, cet assemblage constitue un abus de langage. Du latin orthographia, lui-même emprunté au grec orthos «droit» et graphè, «écriture», le mot «orthographe» signifie littéralement «écriture correcte».
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Si l’on ne pourra donc pas dire d’une orthographe qu’elle est correcte, on évitera également de la qualifier de mauvaise, puisqu’elle est par définition «correcte». Pour être exact on préférera la phrase «Je suis bon/ mauvais en orthographe».
● Monter en haut, sortir dehors
«Attends-moi, je monte en haut», «Je sors dehors un instant et je reviens»… Si les formules sont courantes elles n’en demeurent pas moins incorrectes. Car ainsi que le verbe «monter» sous-entend «un mouvement ascendant, vers le haut», le verbe «sortir» signifie «aller dehors». Les assortir respectivement de la locution «en haut» et du terme «dehors» est donc inexact.
On évitera dans cette même logique de convier nos invités à «entrer à l’intérieur» de nos demeures. Car, «entrer» signifie littéralement «passer du dehors au-dedans». Soyons exhaustifs et préférons la précision: «Je sors de l’école» ou «Je rentre dans la maison».
● Tri sélectif
Si le geste est utile, la précision est quant à elle stérile. Le tri est par essence une sélection. Parler de «tri sélectif» revient donc à dire que l’on va séparer ce qui a déjà été séparé. Le bon grain de l’ivraie par exemple.
À moins de vouloir distinguer ce qui a déjà été distingué dans une poubelle prévue à cet effet, on se contentera de préciser à nos voisins que l’on trie le papier des plastiques et les métaux, des verres.
● Bourrasque de vent
Avis de tempête! Cet après-midi, les météorologues ont prévu des vents très forts. De quoi causer pas mal de dégâts matériels… et linguistiques. En cas de mauvais temps, la formule «bourrasque de vent» est en effet très souvent employée. À tort. La «bourrasque» désigne littéralement un «coup de vent violent». L’associer au mot «vent» revient donc quelque peu à dire que l’eau mouille et que le feu, brûle… Bon vent donc à la formule!
Précisons toutefois qu’il est correct de parler de «bourrasque de pluie» et de «bourrasque de neige».
● Commencer d’abord, refaire encore, crier fort, rentrer de nouveau
Créés pour forcer le trait et souligner une action, ces procédés d’insistance permettent en peu de mots d’attirer l’attention de notre interlocuteur sur un point précis de notre argumentation. Mais sont-ils bien indispensables? Car, que comprendre par exemple à la phrase «il criait fort cette nuit», sinon l’idée d’un homme qui «poussait des cris» et donc des bruits forts? Que penser par ailleurs de la formule «commencer d’abord»? À moins de vouloir disserter sur l’introduction d’une introduction, la locution n’a pas lieu d’être.
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Idem pour les expressions «refaire encore» et «rentrer de nouveau». Le préfixe des verbes «faire» et «entrer» insiste déjà sur l’idée d’une nouvelle action. «Refaire encore», c’est donc «refaire et refaire» quelque chose. N’hésitons pas à varier les verbes comme: «recommencer», «répéter», «renouveler» ou bien encore «regagner», «retourner», «retrouver», etc.
● Applaudir des deux mains, entendre de ses oreilles, vu de mes yeux
On pourrait se cacher derrière Molière, qui, le premier nota la formule «vu, de mes yeux vu» dans sa pièce Le Tartuffe, mais on omettrait alors la part d’ironie qui se cache derrière cette tautologie. On évitera donc de commettre un pléonasme en lançant avec sérieux: «Je l’ai vu de mes propres yeux.»
Idem pour les non moins belles formules: «entendre de ses oreilles», «applaudir des deux mains». À moins que l’on veuille faire preuve d’esprit ou de poésie. Comme Baudelaire s’intéressa aux synesthésies.
Bonus :
La maisonnette, le nain, la fillette sont toujours petits.
Le «tollé général» est toujours le «cri de protestation d’un collectif».
Le résumé est toujours bref.
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