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La Croix : Comment parler du harcèlement sexuel aux jeunes ?
Stéphane Clerget : L’actualité autour du harcèlement sexuel génère beaucoup d’inquiétude chez les adolescents. Les garçons sont souvent en empathie avec les filles, mais ils s’interrogent aussi sur leurs comportements : qu’est-ce que j’ai le droit de faire ? Est-ce que je n’ai pas commis d’agression sexuelle en embrassant ma copine ? De la même façon, les filles se demandent si elles n’ont pas déjà été victimes de harcèlement et s’interrogent sur ce qu’elles peuvent tolérer ou pas. Si un garçon leur fait un compliment dans la rue, comment doivent-elles le prendre ? Et si elles apprécient ce compliment, cela veut-il dire qu’elles sont des filles faciles ? Ces affaires de harcèlement suscitent beaucoup de questions et doivent donner l’occasion d’une discussion en famille, même si je conseille aux parents de séparer les frères et les sœurs pour éviter toute provocation.
Aux garçons, ils peuvent expliquer comment aborder une fille – la grande préoccupation des ados – en leur précisant que toucher les zones sacrées du corps de l’autre, sans son accord, est une forme d’agression sexuelle. Ces derniers doivent comprendre la notion de consentement, pas seulement pour des relations sexuelles, mais aussi pour un premier baiser. Les garçons ont besoin d’apprendre à maitriser leurs pulsions pour exprimer leur désir, que ce soit verbalement ou physiquement. Les filles, elles, doivent surtout être encouragées à manifester leur désaccord plus clairement et plus fermement. Beaucoup sont encore dans une attitude passive.
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Ces affaires de harcèlement sexuel peuvent-elles enfermer les garçons dans une image négative ?
Stéphane Clerget : Oui, elles peuvent avoir un impact sur l’estime de soi – les garçons pensent qu’on condamne leur désir – et les inhiber dans leur démarche de conquête, au sens large. Un ado ne fait pas la part des choses entre l’envie de conquérir le monde, le savoir, la culture et les filles. C’est l’éducation qui lui donne des repères : « Tu peux désirer les filles, mais il faut emprunter ce chemin-là, comme tu peux vouloir être capitaine d’industrie ou joueur de foot ». Ces affaires risquent de provoquer une sorte de repli chez les garçons qui ne touche pas seulement leur vie sexuelle mais l’ensemble de leur volition et de leurs envies, ce qui peut être dangereux.
Chez les filles, ces histoires peuvent générer une peur ou une haine et un rejet des garçons assimilés à la bête. Elles risquent en outre de les enfermer dans un rôle de victimes ou d’entraîner, au contraire, un sentiment de culpabilité parce qu’elles acceptent certains comportements de la part des garçons. Il est donc important d’accompagner les uns et les autres pendant ces révélations.
Comment éduquer garçons et filles dans le respect mutuel ?
Stéphane Clerget : Pour bien faire, il faut commencer dès la petite enfance. Aujourd’hui, on dit, par exemple, aux garçons de ne pas taper les filles – et on les punit lorsqu’ils le font –, mais l’inverse est beaucoup moins vrai. Or, la seule consigne qui vaille est de ne taper personne et de respecter le corps de l’autre ! Les garçons ressentent souvent cette différence de traitement comme une injustice et en gardent parfois un ressentiment.
L’éducation au respect mutuel passe aussi par une éducation à la sexualité dès le plus jeune âge. On explique aux enfants qu’on ne peut se marier qu’avec quelqu’un qui est d’accord. De même, on leur dit qu’on ne joue pas à « touche pipi », même si c’est normal d’en avoir envie. Il faut attendre d’être plus grand et ne pas le faire devant tout le monde. Ce sont des choses simples que les enfants comprennent très bien et pourtant, on ne le dit pas suffisamment.
Au-delà des mots, l’éducation passe également par l’exemple. Un père doit faire attention à ce qu’il dit et à la façon dont il se conduit avec les femmes devant son fils. Quant aux mères, elles doivent aussi éviter certains comportements comme embrasser leurs garçons sur la bouche ou les laisser leur toucher la poitrine. À partir de 3 ans, il faut apprendre aux enfants la pudeur, sans violence. Le corps de la femme c’est aussi le corps de la mère, il ne faut pas que le petit garçon ait l’impression que ce corps lui appartient.
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Enfin, il faut faire attention aux contenus des ouvrages ou des fictions que l’on propose à son enfant et ne pas hésiter à commenter les histoires. Il est également important de favoriser la réussite scolaire des garçons pour lutter contre le machisme. Dans certains milieux, ces derniers se sentent tellement dévalorisés à l’école qu’ils ont besoin de rétablir leur puissance en exerçant la force sur les filles.
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