Dans cet établissement catholique de la Sarthe, les élèves progressent à l’oral, tout en se sentant mieux reconnus, grâce à des exposés quotidiens sur les thèmes de leur choix.
Tous les matins, un exposé de cinq à dix minutes ouvre la journée de cours. / Emmanuelle Thiercelin/Divergence
C’est le rituel qui ouvre chaque journée au collège Frère-André de Saint-Calais. Dans toutes les classes, de la sixième à la troisième, un élève a carte blanche pour un exposé de cinq à dix minutes. « L’un d’eux, récemment, nous a présenté l’origine et les règles des cartes Pokémon, se souvient la professeur d’histoire-géo Marie-France Gauquelin. Et pourquoi pas ? L’essentiel réside dans la façon dont l’élève justifie ce choix et aborde le sujet. » « J’ai eu droit à un exposé sur les maillots de foot, raconte, pour sa part, l’enseignante de mathématiques Isabel Périssaguet. Cela a permis d’évoquer le sponsoring ou encore de comparer leur prix très élevé par rapport au salaire moyen des Français. »
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Ce jour-là, en cinquième, une plongée dans le monde des abeilles est prévue au programme « Quoi de neuf ? », nom de ce dispositif aussi simple qu’innovant. Samuel, qui avec ses parents pratique l’apiculture, ne s’est pas contenté de préparer un diaporama diffusé par rétroprojecteur. Il enfile sous les yeux ébahis de ses camarades un chapeau d’apiculteur puis s’empare d’outils spécialisés avec lesquels il se met à fixer une feuille de cire sur un cadre qui prendra place dans la ruche. Au passage, il explique comment fonctionne un extracteur de miel ou encore comment réagir en cas de piqûre d’abeille.
Donner plus de place à l’expression orale
Quand il est arrivé dans cet établissement, en CM2, Samuel se retrouvait souvent isolé au fond de la classe. L’introduction, l’an dernier, du « Quoi de neuf ? » a contribué, assure-t-il, à le faire connaître et reconnaître. « Cela m’a aidé à vaincre ma timidité », confie celui qui, en sixième, avait présenté un exposé très remarqué sur les courses de tracteurs.
« Certains élèves en difficulté ont gagné en aisance et se sont mis à être considérés différemment par leurs camarades parce qu’on leur a donné la possibilité de parler de sujet qu’ils maîtrisaient parfaitement », confirme Alix Ducret, professeur de français et d’histoire-géographie.
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Le programme est destiné à pallier l’une des lacunes du système scolaire français, la faible place accordée à l’expression orale et à la prise de parole en public. « Quoi de neuf ? » permet aussi à certains de « relire » des expériences vécues au collège, à la maison ou à l’extérieur. Alix Ducret le constate elle-même avec ses enfants, scolarisés dans l’établissement.
Des présentations originales
« L’un d’eux a choisi de préparer un exposé sur le scoutisme, qu’il pratique régulièrement, explique-t-elle. Il a appris énormément sur l’histoire du mouvement, s’est rendu compte qu’il existe différentes familles de scouts dans le monde entier. » Elle est convaincue que ce type de présentation aide les élèves à « sortir de la logique de consommation qui caractérise parfois leur rapport à l’école et à la société ».
Après avoir bénéficié de conseils de méthodologie (comment bâtir sa présentation, élaborer un diaporama…) dans le cadre de l’« accompagnement personnalisé » prévu par la réforme du collège, chacun est ainsi invité à apporter sa pierre à l’édifice du savoir, de tous les savoirs. Aujourd’hui, Coline, élève de cinquième, évoque les potentialités de la pâte Fimo, qui lui permet de créer – c’est sa passion – des figurines et autres porte-clés, qu’elle fait circuler dans la salle.
Une façon de créer du lien, même avec les parents
Paul mise pour sa part sur un quiz pour amener son public à s’intéresser au narval, surnommé la « licorne de mer ». En bon « pédagogue », cet élève de troisième reprend régulièrement et synthétise toutes les informations (espèce, poids, durée de vie, etc.) apparues au gré de son questions-réponses plein d’humour.
L’enseignant se tient en retrait. À la fin de la présentation, c’est la classe qui pose les questions. « Pourquoi as-tu choisi de parler du papier ? », interroge un élève. « Parce que mon père travaille dans une papeterie », répond Ève. « Est-ce qu’il t’a aidée à préparer l’exposé ? », demande, sans malice, une camarade.
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« On sent parfois que les parents ont donné un bon coup de main, glisse Isabel Périssaguet, qui ne s’en formalise pas, bien au contraire. Certains d’entre eux se sentent démunis pour aider leur enfant matière par matière mais trouvent ainsi leur place. » De quoi renforcer les liens entre le collège et les familles, sans influer sur la moyenne. Car ces exposés, obligatoires, ne sont pas notés et contribuent à l’apprentissage d’une certaine forme de « gratuité ».
« Éduquer, c’est dire : je crois en toi »
Matthieu Prezelin, directeur du collège
« Le projet ”Quoi de neuf ?”, c’est une façon de montrer que le collège doit rester un lieu d’éveil et de plaisir. La philosophie de ce projet fait aussi écho à une phrase du prêtre et éducateur Jean-Marie Petitclerc, que j’ai recopiée sur une petite ardoise, bien en vue dans mon bureau, “Éduquer, c’est dire : je crois en toi.” Cela marche vraiment, à en juger par l’aisance avec laquelle nos élèves ont, lors de notre journée portes ouvertes, présenté eux-mêmes aux nouvelles familles notre établissement. »
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